Les derniers kilomètres

L’Arménie est plus montagneuse qu’on ne le pensait. Le sud est peu peuplé et miné par le conflit territorial avec l’Azerbaïdjan, pour le contrôle du Nagorno Karabakh.

Nous avons quelques difficultés à faire du stop car la plupart des voitures restent dans les vallées sans jamais passer les cols.

Nous dormons d’abord à Meghri dans les entrepôts de la mairie, après avoir échangé avec le gardien et mangé dans sa maison. La nuit suivante ce sera Goris, sous le parvis d’un hôpital franco-arménien, avec autorisation du directeur. Les ambulances nous réveilleront deux fois durant la nuit, toute une ambiance !

Les voitures arméniennes sont luxueuses en comparaison avec la richesse apparente des habitants. Est-ce l’argent de la diaspora ? Selon nos hôtes à Yerevan il s’agit davantage d’emprunts bancaires, de mafia, et d’une histoire de statut social. Une histoire qui se répète depuis l’Indonésie.
Autre type d’engin, nous croiserons deux tanks aux alentours de Kapan, en mouvement vers le Sud. Durant nos deux nuits dans ces environs nous entendons régulièrement des coups sourds au loin, sans savoir exactement s’il s’agit du bruit des armes. En tout cas les rues sont paisibles, et la population vaque à ses occupations. De nombreux civils portent des vêtements militaires, une mode de la région, aussi bien en Arménie qu’en Géorgie.

Les montagnes sont enneigées, et font parfois place à des canyons et à de belles formations géologiques, notamment autour de Goris. Nous hésitons à dormir dans des grottes mais la pluie est menaçante, le temps froid, et ce n’est pas le meilleur endroit pour être au sec.

Vers Yerevan la route plonge en direction de la Turquie et du mont Ararat. L’impressionnant volcan domine la plaine et se voit depuis tous les immeubles de la capitale arménienne. Presque l’intégralité de la population se concentre là, bloquée entre deux immenses contreforts volcaniques.
Nous marchons un peu dans cette ville qui se révèle agréable et vivante. Nous y mangeons une sorte de lahmaçun et des beignets salés, et passons de bons moments avec notre hôte, Arthur, un jeune développeur web. Nous buvons quelques verres avec ses amis aux profils variés: un militaire, une étudiante en économie et un artiste peintre.
Ils se moquent des conflits avec les pays voisins et la plupart d’entre eux souhaitent juste échapper aux problèmes économiques, politiques et mafieux en s’expatriant.
Ce sera malheureusement un court séjour dans le Caucase. Nous avons fixé notre limite de temps au 30/04 et la route est encore longue.
Nous rejoignons donc la Géorgie et dormons sous la tente à Akhalkalaki, puis avec des hôtes dans une ferme près d’Adigeni. On y prépare les champs de pommes de terre, et nous observons des villageois réparer l’inimitable Lada. Même modèle depuis les débuts de l’URSS, mis à part éventuellement les rétroviseurs. Les locaux ne sont pas avares de blagues sur le sujet.

Nous passons en Turquie à Posof (où nos sacs sont fouillés) et dormons dans une base militaire désaffectée à Göle après avoir passé Ardahan. Avertis par des jeunes du danger à rester dans la ville, nous entendrons deux ou trois coups de feu dans la soirée, et quatre véhicules blindés entreront dans la ville le jour suivant. Pourtant tout semble normal quand nous allons acheter notre pain. Drôle d’ambiance… Il fait froid et la pluie est menaçante, le plateau turc dépasse les 2000 mètres dans cette région.

Par ailleurs l’autostop n’est pas très facile, le trafic est presque inexistant. La Turquie est pourtant réputée accueillante et agréable à traverser. Mais nous supposons que le récent référendum, les tensions politiques, militaires et la crise économique plombent le moral et la confiance des habitants. La pression policière est importante, on passe quatre barrages de police entre Posof et Erzurum.
Nous dormons encore deux nuits sous la tente, à Tortum et à Torul. Le vent arrache des toits à Trabzon non loin de là et notre tente frémis un peu. Pas de chance décidément.
On s’amuse néanmoins un tout petit peu en demandant à nos conducteurs s’ils ont voté oui ou non au référendum. Il y a pas mal de kurdes par ici et le non l’emporte. Certains, kurdes ou non, traitent Erdogan de tous les noms, d’autres l’adulent, et la fracture dans le pays est nette et inquiétante.

A Tirebolu la pluie ne semble plus vouloir s’arrêter. Heureusement nous sommes accueillis dans les préfabriqués d’un chantier, et les ouvriers nous offrent lits, thé et nourriture avec de grands sourires. Au matin, après avoir faits nos adieux à l’équipe et à leur chat, nous partons en direction de Samsun. Nous y trouvons un hôte sur Couchsurfing, jeune dirigeant d’une société de métallurgie, et dégustons ensemble pide, ayran et börek avec vue sur la Mer Noire.

Nous voici désormais sur la route principale, direction Istanbul. Le soleil est finalement revenu après une semaine de mauvais temps et de froid et les belles rencontres reviennent elles aussi. A Kavak nous remangeons du börek, invités par un conducteur, responsable de la compagnie locale de distribution des eaux. Son bureau est digne de celui d’un maire, avec sièges en cuir, portrait d’Atatürk et drapeau national. Nous rencontrons ses collègues, ses amis pharmaciens et vendeurs internationaux de semence de taureau, et enchaînons deux thés, un café et une dizaine de photos en une demi-heure.
Plus tard, un chauffeur de camion nous offrira un repas de Chef, préparé avec sa bonbonne de gaz sur le bord de la route. Ça nous fait plaisir de manger un vrai repas…

Nous continuons et dormons dans un petit village près d’Ilgaz, dans une maison attenant à la mosquée. Les bâtiments sont en pierre et la vue est exceptionnelle. La famille de l’imam prend soin de nous, c’est une journée parfaite. La Turquie accueillante reprend ses droits.
Après un petit déjeuner avec pain de miel et fromage maison nous repartons vers Bolu.

Bolu est notre dernière nuit dans la nature. Nous montons sur une colline et campons à la chaleur d’un feu, cuisant quelques saucisses sur la braise. Le chœur des mosquées alentour nous endort et nous réveille pour notre dernier jour d’autostop.

Nous arrivons rapidement à Istanbul et nous nous asseyons quelques heures le long du Bosphore entre Beşiktaş et Bebek. La ville est ensoleillée et c’est un agréable moment pour terminer ce voyage.
Nous passons ces prochains jours chez deux amies, Serap et Buşra, et nous prendrons bientôt l’avion pour retourner vers nos familles.

Merci à tous de nous avoir suivis, nous écrirons un dernier article pour expliquer ce que nous comptons faire des nombreuses histoires, photos et vidéos de ce voyage…

A bientôt !

Published by Le voyage en Asie

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